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Les républiques lumumbistes du Congo

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Les républiques lumumbistes  du Congo       

                       

Entre 1960 et 1965, le Congo-Léopoldville est malade de ses politiciens. Sur base tribale ou idéologique, des provinces proclament leur indépendance quelque temps seulement après le 30 juin 1960. L’existence éphémère desdits micro-États ne décourage guère les sécessionnistes. Au contraire. Avec ses crises politiques à répétition, le Congo devient un véritable puzzle divisé par des dissensions internes et morcelé par des seigneurs de guerre. Livré aux prédateurs, le jeune État est à la merci des intérêts tribaux ou régionaux sans oublier des diktats stratégiques ou idéologiques huilés par les grands trusts internationaux et les puissances étrangères. La RDC est en proie à des conflits continuels qui mettent en danger la cohésion nationale et l’indépendance chèrement acquise. Outre l’État du Katanga (11 juillet 1960 – 14 janvier 1963) et l’État autonome du Sud-Kasaï (8 août 1960 – 30 décembre 1961), le Congo a aussi connu deux républiques dirigées par des lumumbistes. Les deux États nationalistes à l´intérieur du Congo indépendant avaient Stanleyville comme capitale. C’est la ville symbole des lumumbistes car c’est là que Lumumba fonde le MNC en 1958 et débute sa fulgurante carrière politique.

 

 

  1. La République Libre du Congo (12 décembre 1960 - 4 août 1961)

Lorsque le 5 septembre 1960, Kasa-Vubu démet Lumumba de sa fonction de chef du gouvernement, plusieurs lumumbistes quittent clandestinement Kinshasa pour s’installer à Kisangani. Les lumumbistes qui se disent aussi nationalistes sont un mélange hétéroclite de plusieurs partis politiques entre autre le PSA, le CEREA, le MNC-Lumumba, la COAKA (Coalition Kasaïenne), l’Union Démocratique Africaine (UDA) ou le Regroupement congolais (REKO). Arrivée sur place, en sa qualité de vice-premier ministre du gouvernement déchu, Antoine Gizenga, y installe son gouvernement le 14 octobre 1960 pour préparer l´arrivée de Lumumba. La légalité vient de s’exiler dans cette ville. Révoqué par Kasa-Vubu et réfugié dans le Haut-Congo, le général Victor Lundula, oncle de Lumumba, s´allie à Gizenga. Ses troupes vont de succès en succès. L´armée gizengiste s´empare de Bukavu et de Manono, la capitale de l´étain. Elle rafle ensuite le Sankuru voire même Luluabourg pour un temps. Le but des lumumbistes est clair: conquérir le Congo et l´organiser à partir de Stanleyville. Le 12 décembre 1960, Gizenga proclame solennellement l´avènement de la "République Libre du Congo". Stanleyville est le siège du gouvernement légal et la capitale provisoire du Congo indépendant. Le nouvel État est aussitôt reconnu par 21 pays (progressistes) d’Afrique (Égypte, Guinée, Ghana, Algérie, Libye, Maroc), d´Asie (Ceylan, Mongolie, Chine, Irak) et d’Europe (URSS, Allemagne de l´Est, Yougoslavie, Albanie, Pologne, Hongrie), sans oublier Cuba.

 

Composition du gouvernement nationaliste du Congo-Stanleyville.

 

Président du Conseil des ministres : Antoine Gizenga (PSA)

 

Ministres :

  • Défense nationale: Antoine Gizenga (PSA)
  • Éducation nationale ? Ministre résidant au Caire : Pierre Mulele (PSA)
  • Affaires Étrangères et Ministre délégué à l’ONU? : Thomas Kanza
  • Affaires Intérieures : Christophe Gbenye (MNC-L)
  • Information: Anicet Kashamura (CEREA)
  • Commerce Extérieur : Marcel Bisukiro (CEREA)
  • Finances : Gabriel Yumbu (PSA)
  • Budget : Augustin Kaïsala (MNC-L)
  • Justice : Remy Mwamba (BALUBAKAT)
  • Affaires Économiques : Ambroise Eleo (MNC-L)
  • Mines : Edmond Rudahindwa (REKO)
  • Agriculture : Joseph Lutula (MNC-L)
  • Travaux Publics: Alphonse Ilunga (UNC)
  • Communications: Alphonse Songolo (MNC-L)
  • Travail: Joachim Masena (PSA)
  • Classes Moyennes: Joseph Mbuyi (MNC-L)
  • Santé: Grégoire Kamanga (COAKA)

 

Secrétaires d’État aux Affaires étrangères : André Mandi (MNC-L)

Chef de cabinet  du Premier Ministre: Valentin Lubuma (PSA)

Président du gouvernement provincial: Jean-Faustin Manzikala (MNC-L)

 

Ambassadeurs:

  • Chine: Bernardin Mungul Diaka (PSA)
  • Le Caire: Samone Fall

 

Hymne national : MNC Uhuru (Joseph Kabasele et l´African Jazz)

 

Monnaie : Monnaie de compte c´est-a-dire une monnaie imaginaire, fictive  qui

                  n´existe pas en espèces réelles mais qui sert seulement à faciliter les  

                  comptes

 

Le gouvernement du Congo-Stanleyville partage le pouvoir avec le gouvernement provincial dirigé par Manzikala remplaçant de Jean-Pierre Finant tué à Bakwanga. La proximité des deux exécutifs parallèles opérant quasiment sur une même et seule entité territoriale est sujette à des tensions permanentes. Cette proximité ne facilite pas la vie politique dans la république rebelle. Le gouvernement nationaliste et le gouvernement provincial se disputent constamment le leadership de Stanleyville la capitale. Gizenga dont la garde est uniquement composée de femmes ne consulte personne, convoque rarement le Conseil des ministres. Les ministres lumumbistes se préoccupent surtout de mener le  train de vie qu’ils estiment correspondre à leur dignité. Gizenga lui-même est entrainé dans une sordide affaire avec son ambassadeur au Caire en la personne de Samone Fall, un Congolais d’origine sénégalaise. Selon Ludo Martens, le gouvernement Gizenga a affrété en juillet 1961 un avion de la compagnie Swissair, pour amener 6 tonnes d’or au Caire pour l’achat d’armes et de matériel. L’ambassadeur Fall est chargé d’en placer une tonne et demie  dans une banque suisse. Mais l’or et le diplomate sénégalo-congolais disparaissent dans la nature. Le gouvernement Gizenga ne fera pas long feu car politiquement miné par des dissensions internes. Lors de la réconciliation issue du conclave de Lovanium (22 juillet – 2 août 1961), plusieurs ministres se laissent convaincre d’abandonner l’aventure. Sept parmi eux feront partie du gouvernement Adoula. Antoine Gizenga lui-même y occupera le poste de vice-premier ministre. Il est arrêté en 1962  pour trahison et interné à l´île Bula-Mbemba située sur l’embouchure du fleuve Congo dans le Kongo-Central. Devenu Premier ministre, Moïse Tshombe le fera sortir de prison le 15 juillet 1964.

 

 

  1. La République Populaire du Congo (5 août - 30 novembre 1964)   

En 1964, les différentes sécessions sont matées.  Si l’État du Katanga, celui du Sud-Kasaï et la république libre du Congo ne sont que d´amers lointains souvenirs, la rébellion ne s’avoue pourtant pas vaincu. Elle gagne du terrain. Les mulélistes au Kwilu et les Simba à l´Est allument des nouveaux foyers. Le 5 août 1964, l’Armée Populaire de Libération (APL) conduite par le lieutenant-général Olenga s´empare de Stanleyville. Peu après, les dirigeants du Conseil National de la Révolution (CNL) s´y installent. La République Populaire du Congo est créée par le décret-loi du 5 septembre 1964 avec 6 provinces, dans les limites ayant existé au 30 juin 1960. Le gouvernement révolutionnaire comprenant 17 ministres d´après l´Ordonnance n°2/64 est proclamé. Le nouvel État lumumbiste est aussitôt reconnu par sept pays dont l´URSS et l´Égypte de Nasser. La RPC s’est installée sur les décombres de la République Libre du Congo est a occupé presque l’étendue de son territoire. Mais il y a lieu de signaler l’appellation République Populaire de la Libération trouvée dans certains documents délivrés par les révolutionnaires en août 1964. Cette portion du Congo en rébellion s’appelait-elle ainsi officieusement en ses débuts? La question mérite d’être éclaircie par les historiens.

 

Composition du gouvernement révolutionnaire de la RPC

 

Chef d’État : Christophe Gbenye

 

Ministres

  • Premier ministre : Christophe Gbenye
  • Affaires Étrangères et Commerce  Extérieures: Thomas Kanza
  • Défense : Gaston Soumialot
  • Travaux publics : François Sabiti
  • Intérieur : Assumani Senghie
  • Finances : Sylvain Kama
  • Ministre plénipotentiaire auprès de la Tanzanie, l’Ouganda et le Kenya ; Secrétaire d’État aux Affaires Étrangères : Laurent-Désiré Kabila

 

  • Commandant en chef de l’APL : lieutenant-général Nicolas Olenga
  • Attaché militaire du Président : major Kandeka
  • Administrateur de la Sécurité nationale : Elonga Kaniki
  • Gouverneur de la province du Haut-Congo : François Aradjabu / Alphonse Kingisi

 

En raison de l´absence à Stanleyville de plusieurs ministres non encore nommés, la RPC recourt aux ministres intérimaires. Ainsi le chef du gouvernement Gbenye a remplacé les titulaires des Finances, des Affaires économiques, des Affaires étrangères et du Commerce extérieur, de l´Éducation nationale, de la Santé, du Plan et Coordination. Le ministre de la Défense Soumialot s´occupe de l´Intérieur, la Justice, l´Information, les Affaires sociales, Travail, Jeunesse et Sport. Outre les TP, Sabiti l´est aussi pour la Fonction Publique, les Mines, Terres et Énergie, les PTT, l´Agriculture, les Eaux et Forêts. On note que le pouvoir est partagé par le trio Gbenye-Soumialot-Olenga. La République Populaire du Congo dispose d´une radio (Radio Stanleyville devenue Radio Uhuru). Les nouvelles sont diffusées dans les quatre langues nationales: lingala, kikongo, tshiluba et swahili. Le journal, "Le Martyr", est l´organe de combat du Conseil National de Libération. Le slogan est "La patrie ou la mort". Quant à l’APL, elle a intégré des docteurs-féticheurs dans ses unités. On en trouve un dans chaque peloton. Le docteur-féticheur a un grade militaire. Le plus célèbre de tous ces charlatans est la sorcière Marie Onema, la préférée du général Olenga. Il l’a fait venir spécialement du Sankuru afin qu’elle veille sur sa santé militaire.

En cette année 1964, Christophe Gbenye se révèle aux yeux du monde non pas comme un chef d’État mais plutôt comme un homme à la tête d’une rébellion cruelle au vu des exactions dont sont victimes les Congolais.  Les fonctionnaires, les magistrats, les enseignants, tous ceux qui savent lire et écrire sont assassinés par les révolutionnaires. A Stan, si les uns sont tués devant le monument de Lumumba devenu l’autel où sont massacrés tous les traitres au lumumbisme ;  les autres sont jetés dans la rivière Tshopo ou fusillés au stade. Les étrangers ne sont pas en reste. Les missionnaires protestants et catholiques sont particulièrement visés. Depuis la prise de Stan et la proclamation de la RPC, la mobilité des Occidentaux est fortement réduite. Ils sont soumis à des traitements dégradants. Certains sont ou brutalisés ou assassinés. Quelque 2375 ressortissants étrangers à Stan et à Paulis (Isiro) sont otages des révolutionnaires. Il y a parmi eux 525 Belges dont le consul Patrick Nothomb, 50 Américains, des Britanniques, des Indiens, des Pakistanais, des Grecs, des Chypriotes, des Soudanais. Lorsque le 14 novembre, le gouvernement Tshombe se met d´accord avec les Belges et les Américains pour lancer une opération aéroportée sur Stanleyville, Gbenye en furie lance des menaces sur les colonnes du journal Le Martyr des 14 et 15 novembre 1964. Il déclare à cet effet: «Nous fabriquerons nos fétiches avec les cœurs des Américains et des Belges et nous nous habillerons de leurs peaux.» La République Populaire du Congo avec son gouvernement révolutionnaire proche de Moscou et de Pékin ne reçoit aucune aide des nations progressistes. Gbenye s´en plaint même dans un télégramme pathétique adressé à Nkrumah, Sekou Touré, Ben Bella, Nasser, Modibo Keita et le Secrétaire général de l’OUA Diallo Telli. « Vous m’avez laissé seul sous les bombardements américains et belges. Stop. Vous lancez un dernier cri au nom de Lumumba, si vous n’intervenez pas dans quelques heures, j’adopterai la politique de terre brûlée, ainsi Américains et Belges ne trouveront que désert. Full stop. ». La nuit du 23 novembre, des soldats de l’Armée nationale congolaise, des diabos katangais, des Cubains, des volontaires occidentaux, des mercenaires rassemblés dans l´opération Ommegang sous les ordres du colonel Frédéric Vandewalle se dirigent vers Stan. Le 24 novembre, les para-commandos de l´opération Dragon rouge transportés par des C-130 américains sautent sur la capitale de la RPC. L´opération aéroportée Dragon noir est menée sur Paulis. Des milliers d´otages congolais et étrangers sont libérés des griffes des révolutionnaires dans les deux villes. Leur captivité a duré 111 jours. La conjugaison des forces américano-belgo-congolaises vient mettre fin à l´existence de la RPC et à ses excès. S´ensuit une opération de nettoyage par l´ANC et les Diabos katangais supervisée à Stan par Nendaka dont plusieurs membres de famille avaient été massacrés par les Simba. Les cités indigènes (Mangobo, Belge I et Kabondo) sont ratissées puis nettoyées. Plusieurs dirigeants de la  république socialiste et révolutionnaire sont tués ou se sont enfuis. Le "président" autoproclamé Christophe Gbenye prend le chemin de l´exil. En Ouganda, le chef rebelle va former un gouvernement dans lequel Toni Nyati, le futur Mandungu Bula Nyati, sera ministre de la Défense et de l´Information.

 

Samuel Malonga

 


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