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L’assassinat du président Marien Ngouabi

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L’assassinat du président Marien Ngouabi

Il y a 39 ans mourait à l’âge de 39 ans, le commandant Marien Ngouabi, président de la République Populaire du Congo, Président-Fondateur du Parti Congolais du Travail (PCT), Président du Conseil des ministres, Commandant en chef de l’armée  et professeur à l’université de Brazzaville. Ce crime crapuleux met le pays au bord de la guerre civile. Les autorités religieuses font de leur mieux pour calmer les esprits après la série d’assassinat qui ensanglante le Congo-Brazzaville. Le président Ngouabi est tué dans sa résidence de l’État major. Ci-dessous les dates importantes qui ont chronologiquement marqué ce triste événement.

 

Du lundi 1er mars au samedi 12 mars 1977

Marien Ngouabi est confronté à des difficultés de tout genre. Elles sont d’ordre politique, économique et spirituel. Les forces de sécurité sont en alerte permanent depuis qu’il a miraculeusement échappé à un accident d’hélicoptère le 19 mars 1976. Beaucoup de ses proches collaborateurs sont mécontents. Le Président a promis de nettoyer et de rénover le PCT ainsi que les institutions politiques lors du 3e congrès extraordinaire du parti. En attendant ce rendez-vous et vu des dissensions internes, il dissout le Bureau politique en 1975 et le remplace par l’État-Major Spécial Révolutionnaire (EMSR). Cette instance suprême est seulement composée de cinq membres. Le 3 mars, Marien reçoit son prédécesseur Massamba-Débat à la présidence. Ce dernier qui avant l’audience lui a envoyé une lettre, est venu lui parler du danger qui le guette.  Le 6 mars, Ngouabi reçoit dans la nuit un coup de fil d’Omar Bongo. Ce dernier mis au courant par le réseau Foccart et Pasqua veut le prévenir d’un coup qui le vise personnellement. Mais le chef d’État gabonais est évasif car le téléphone n’est pas à l’abri des indiscrétions. Il lui conseille toutefois d’être vigilent. Ngouabi est au plus mal. Son moral est aussi entamé par la succession des choses bizarres qui se passent au palais : son chien est mort dans des conditions inexpliquées, un gros serpent et un petit animal ont été aperçus dans la cour mais n'ont pu être retrouvés malgré des recherches minutieuses. En plus, la foudre s'abat presque régulièrement sur sa résidence. Le 9 mars 1977, le superstitieux Ngouabi fait un cauchemar dans sa sieste. Un commando a attenté à sa vie et l'affrontement sanglant s'est achevé par des morts. Affolé, il se réveille en sursaut et ordonne à son chef d'état major général de renforcer la sécurité autour de la présidence. Dans la soirée du même jour, il appelle le doyen Massamba-Débat et le met au courant de ses préoccupations et inquiétudes. Débat lui recommande de se confier à Dieu et promet de l'aider dans la prière.

 

Dimanche 13 mars 1977

En cette journée dominicale, un meeting est organisé par l’URFC (Union Révolutionnaire des Femmes Congolaises). A la place de l’hôtel de ville, le président prononce un discours dans lequel il dénonce l’impérialisme français coupable selon lui des difficultés économiques du Congo. Il invite ensuite le peuple à redoubler de vigilance. De graves menaces ne pèsent-ils pas sur sa vie ? Les forces de sécurité ne sont-elles pas en alerte ? Ngouabi lâche une phrase dont la portée prémonitoire sera connue cinq jours plus tard. En effet, il déclare devant son auditoire : "Lorsque ton pays est sale et manque de paix durable, tu ne peux lui rendre sa propreté et son unité qu’en le lavant avec ton sang".

 

Vendredi 18 mars 1977

Chargé de cours en première année, le professeur Ngouabi commence la journée à la Faculté des Science à l’Université de Brazzaville. De retour à la présidence, il accorde une audience au Président de l’Assemblée nationale, Alphonse Mouissa-Poaty, puis au cardinal Émile Biayenda. A l’heure du dîner, le Président est à table avec sa famille. Céline son épouse, née Mvouka est à terme. Comme il fait chaud, son fils aîné, Marien Ngouabi junior né du premier mariage avec la Française Clotilde Martin, quitte les siens pour échapper à la sieste forcée que lui impose son père. Il descend l’escalier et arrivé au secrétariat, il voit Ontsou et un capitaine armé d’un revolver. Est-ce Kikadidi ou Motando ? Ne le connaissant pas, il ne peut l’affirmer. Deux à trois autres personnes sont assis à côté de l’officier. Il leur demande la raison de leur visite. Dehors, il constate un calme inhabituel à la présidence. Il remarque aussi qu’il y a moins de soldats de garde que d’habitude. L’ado de 14 ans va se mettre sur la balançoire. Quelque temps après, il aperçoit son père en train de se bagarrer avec trois personnes. Le Président demande de l’aide. Ancien élève de l’École des cadets, le jeune homme prend une voiture garée pour se rapprocher puis entend des coups de feu. Arrivée au poste de garde, il crie au secours mais les militaires pourtant sensés protéger le Chef de l’État prennent la fuite devant les assaillants. Il descend de la voiture et se saisit d’une arme et des chargeurs qui s’y trouvent. Ça tire de partout. Il abat une personne qui tente de se relever. Puis, il découvre enfin le corps de son père inanimé et étendu à même le sol. Le Président a la mâchoire cassée, les dents arrachées, les yeux grandement ouverts et baigne dans une flaque de sang. Mortellement touché, il est conduit à l’hôpital militaire dans une Peugeot 504 conduite par Marien junior qui croit que son père a été tué par Ontsou. Un détail troublant dans cette histoire. Le médecin qui examine le cadavre de Ngouabi remarque qu’il a la carotide tranchée et porte des trous dans le dos. Mais le corps et les habits sont propres et ne portent aucune trace de sang. Une autre version affirme que Marien Ngouabi a été assassiné en dehors de la résidence présidentielle, tombé dans un véritable guet-apens. Mais ce 18 mars, lorsque le Président meurt sous les balles de son (ses) assassin(s), le peuple n’est au courant de rien. Mais la triste nouvelle est déjà diffusée par les médias occidentaux.

 

Dans la nuit de cette date tragique, onze officiers supérieurs de l’armée s’emparent du pouvoir. L’État-Major Spécial Révolutionnaire est dissout. A sa place est créé le Comité Militaire du Parti pour gérer la vacance du pouvoir. Il est conjointement dirigé par le colonel Joachim Yhombi-Opango et le commandant Denis Sassou-Nguesso. Toutes les institutions ainsi que la Constitution de 1973 sont abrogées. Or dans son article 40, elle stipule qu’en cas de vacance du pouvoir, le président de l’Assemblée nationale populaire (à l’époque Alphonse Mouissou-Poaty) assume l’intérim jusqu’à ce que le congrès du parti se réunisse dans les trois mois afin d’élire un nouveau président.

 

Samedi 19 mars 1977

 

La junte au pouvoir annonce l’assassinat du président en ces termes : « L’impérialisme aux abois, dans un dernier sursaut, vient, par l’entremise d’un commando-suicide, d’attenter à la vie du dynamique chef de la révolution congolaise, le camarade Marien Ngouabi, qui a trouvé la mort au combat, l’arme à la main, le vendredi 18 mars 1977, à 14h30 ». Le CMP prend ses premières décisions : un deuil national d’un mois est décrété, les frontières sont fermées, les attroupements de plus de cinq personnes sont interdis, le couvre-feu est instauré de 19h à 6h du matin et les obsèques officielles sont fixées au samedi 2 avril. Le CMP désigne en outre le capitaine Barthélémy Kikadidi, exclu de l’armée en 1969, comme étant celui qui a perpétré ce forfait avec ses trois complices dont deux sont tués dans la fusillade, le commanditaire étant Massamba-Débat. Afin d’élucider les circonstances exactes de l’assassinat du chef de l´État, le ministre de la Défense et de la Sécurité Sassou-Nguesso, crée une commission d'enquête pour auditionner les suspects, et une cour martiale qui siège à huis clos  et dont les débats ne sont jamais rendus publics.

 

Mardi 22 mars 1977

Dans la nuit du 22 mars, des hommes armés se présentent à l’archevêché où réside le cardinal Émile Biayenda. Celui-ci prévenu d’avance de l’imminence de son assassinat, refuse de sauver sa peau et préfère "mourir pour que le Congo vive". Le commando enlève le prélat devant ses proches, l’embarque dans une Land Rover et prend la Nationale 2. Il est reproché à l’homme de l’Église d’avoir mystiquement neutralisé les pouvoirs occultes de Marien Ngouabi lors de l´audience qu´il lui a accordé trente minutes seulement avant son assassinat. Ce qui a rendu le Président vulnérable aux balles de ses meurtriers. Pour d’autres, il aurait assuré la médiation entre Ngouabi et Massamba-Débat pour le transfert du pouvoir. Arrivé sur les collines d’Itatolo et après un bref interrogatoire, l’archevêque de Brazzaville est abattu. Mais une autre version qui corrobore celle de monseigneur Kombo, affirme qu’une fois arrivé sur la colline qui désormais porte le nom de Montagne du Cardinal, Émile Biayenda est enterré vivant. Voila pourquoi la soutane qu´il a portée est restée immaculée. C’est aussi la raison pour laquelle, il n y a pas marques de violence dans son cadavre. A la morgue, le médecin légiste qui examine et formole le corps du prélat ne voit aucune trace de balle. Il n´a comme lésion qu´une écorchure à la jambe gauche. Selon Thystère Tchicaya, l’assassinat du prélat (un Lari) aurait eu lieu dans la nuit du 18 au 19 mars. Cette proclamation tardive a pout but d’éviter un affrontement tribal sanglant entre les Bakongo et les Kouyou (la tribu de Ngouabi). Les funérailles et l’inhumation du Cardinal ont lieu le 27 mars dans la cathédrale du Sacré-Cœur à Brazzaville.

 

Vendredi 25 mars 1977

Quelques jours seulement après l’assassinat du Président Ngouabi, Alphonse Massamba-Débat, ancien chef d’État devenu pasteur est arrêté dans son domicile brazzavillois. Accusé d’être l’instigateur du complot ayant conduit à la mort du commandant Ngouabi, il est emmené de force à l’état-major où il connait de graves sévices corporels. La cour martiale avec sa justice expéditive n’a pas le temps d´attendre les résultats de l’enquête en cours. Elle statue à huis clos sans la comparution physique des accusés et condamne Massamba-Débat à la peine capitale. Sassou signe l’ordre de mission et le remet au peloton. L’ancien président dont les recours en grâce sollicités par ses avocats sont rejetés, est exécuté dans la nuit du 25 mars 1977 dans des circonstances sombres. Son corps n'a jamais été rendu à sa famille et l'emplacement de sa sépulture n'a jamais été révélé. A la conférence nationale, certains témoignages affirment que ses tortionnaires lui ont crevé les yeux avant de le pulvériser par une charge d'obus. D’autres sources prétendent que son corps dépecé en petits morceaux a été jeté aux fauves du parc zoologique de Brazzaville. Une troisième hypothèse dit que Massamba-Débat a été fusillé puis enterré à la sauvette dans une fosse commune au cimetière d’Itatolo. Selon la rumeur, l’acharnement sur sa personne est motivé par le fait que Marien Ngouabi a envisagé de lui restituer le pouvoir. Plusieurs membres de la garde présidentielle (le lieutenant Mboro, le sergent Raphaël Ontsou, les soldats Elouo et Mboro) sont également fusillés pour complicité ou pour negligence. Le lendemain 26 mars, sont exécutés les assassins présumés du Cardinal Biayenda. Condamné à mort pour complicité avec Massamba-Débat, Pascal Lissouba échappe au peloton d’exécution grâce à l’intervention directe du président gabonais Omar Bongo, appuyé dans sa démarche par les scientifiques français et africains. Sa peine est commuée en prison à vie. L’ancien ministre Claude-Ernest Ndalla se voit aussi condamné à perpétuité.

 

Samedi 2 avril 1977 

Les funérailles officielles commencent le 31 mars. La dépouille du défunt est placée dans un cercueil en verre exposé dans le hall du palais du peuple. Le 2 avril, à neuf heures, le corps placé cette fois dans un cercueil en marbre est transporté du palais du peuple à l’Hôtel de ville. Un détachement de l’APN rend les honneurs. Le commandant Denis Sassou-Nguesso en larmes lit l’éloge funèbre. Le cercueil est ensuite transporté dans l’enceinte de l’état major où le défunt a habité durant son règne pour y être enterré. Après les adieux de sa mère éplorée, Marien Ngouabi est inhumé en face de sa résidence. 

 

Mercredi 6 avril 1977

Les nouveaux dirigeants issus de la junte prennent leurs fonctions. Le colonel Joachim Yhombi-Opango devient président du CMP, Chef de l’État et président du Conseil des ministres. Au commandant Denis Sassou-Nguesso revient les fonctions de premier vice-président chargé de la coordination des activités du parti et de ministre de la Défense. Le commandant Louis-Sylvain Goma est bombardé deuxième vice-président, Premier ministre et ministre du Plan.


La cour révolutionnaire d’exception (3 janvier – 6 février 1978)

En 1978 est instituée une Cour révolutionnaire d’exception par le CMP afin de juger les assassins de Marien Ngouabi. Cette juridiction organise un second procès dans la salle d’audiences de la Cour criminelle du Palais de Justice à Brazzaville. Elle est présidée par Charles Assemekang, le président de la Cour Suprême. Un parent de Ngouabi, maître Jacques Okoko, est le Commissaire du Gouvernement (procureur). Le procès s’ouvre le 3 janvier pour juger 42 accusés. Le 6 février, le verdict tombe. Dix condamnations à mort sont prononcées contre des membres de l’entourage de Massamba-Débat, des travaux forcés à perpétuité, des peines de prison avec sursis et des acquittements. La grâce présidentielle est refusée aux condamnés à la peine capitale. La sentence est exécutée le mardi 7 février. Au petit matin, dix ressortissants du Pool sont passés par les armes. André Hombessa et le capitaine Barthélémy Kikadidi sont eux jugés par défaut puis condamnés à mort par contumace. Cinq semaines plus tard, l’ex-officier en fuite depuis le 18 mars 1977, est retrouvé par l’armée le 13 février 1978 à 3h30 dans sa planque à Makélékelé. Il est aussitôt abattu.

Immortalisation de Marien Ngouabi

Quelque temps seulement après son assassinat, le camarade président est l’objet d’un culte étatique posthume sans précédent. Le slogan "Gloire immortelle au président Marien Ngouabi, fondateur du PCT" est affiché dans tout le pays. Il est aussi prononcé dans tous les discours officiels. Des messages en son honneur sont relayés à la radio et la télévision ou par Etumba et Mweti, les deux journaux du PCT. Le 24 avril 1977, l’université de Brazzaville devient Université Marien Ngouabi. Le 31 juillet 1977, date de sa prise de pouvoir, est ouvert son musée. Le 18 mars 1978, la date de l’assassinat du camarade Marien est décrétée "Journée du sacrifice suprême" suivant une décision prise le 2 mars 1978. Les membres du CMP trouvent une certaine légitimité en se réclamant de lui. Un monument est même érigé en l’honneur du héros de la révolution.

 

Qui a assassiné Marien Ngouabi ?

Cette question est jusqu’à présent restée pendue sur les lèvres des Congolais.  L’assassinat de Marien Ngouabi reste une énigme. Même la commission des assassinats créée lors de la Conférence nationale n’a pu donner ni le nom du tueur ni celui du commanditaire. Beaucoup pensent que le fondateur du PCT et de la République Populaire du Congo a été victime d’un complot ourdi par ses propres frères d’armes. Le meurtrier est donc à chercher parmi les membres du CMP. La hâte avec laquelle les condamnations à mort étaient exécutées montre à suffisance que la junte voulait vite en finir avec cette patate chaude entre les mains. Selon la rumeur toujours persistante, les simulacres de procès dont le verdict était connu d’avance, ont envoyé des innocentes personnes dans la mort. En outre, l’ex-première dame Céline Ngouabi est cloitrée dans un silence hermétique. Depuis la mort de son mari, elle n’a fait aucune déclaration, aucun témoignage sur ce drame qui l’a rendue veuve. Ce mutisme entretenu pendant près quarante ans étonne, entretien le mystère et nourrit les rumeurs les plus folles.

 

Samuel Malonga


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