PAPA KOURAND, la dernière figure historique de la "Sanza" est mort à Brazzaville le lundi 4 Juillet 2016.
Papa Kourand qu'on ne présentait plus, était reconnu comme dépositaire de la tradition orale bantoue, son conservatoire personnifié et qui avait fait de la "Sanza" l'élément essentiel de son discours musical.
Chanteur à la voix passive, au timbre rocailleux, c'était un merveilleux "sansiste" qui a créé une manière de jouer la rumba authentique, et d'autres rythmes traditionnels en se servant d'éléments urbains tirés du folklore du bassin du Congo.
Son tempérament, comme son sens de nuances et sa parfaite technique lui ont permis de dominer la scène depuis les années 50 dans le style des griots.
Né à Ngoma-tsé-tsé (Congo-Brazzaville) le 10 Novembre 1935, "Papa Kourand", de son vrai nom Nkouka André a maîtrisé dès son jeune âge le "Likembe" ou encore la "Sanza" (un genre de piano à pouces constitué de lamelles en métal ou en bois fixées sur une caisse de résonance) dont il sert pour traduire en termes simples, mais très colorés, parfois très crus, les événements de la vie quotidienne.
Dès 1940, Papa Kourand qui est un fervent croyant , attire l'attention des religieux catholiques qui l'initient aux cantiques chrétiens. Il devient vite une vedette populaire ; la voix séduit, et Papa Kourand sait admirablement tirer parti de ses ressources vocales , combinant avec talent le jeu en accords hérité des anciens de sa paroisse.
Au cours des années 50, la petite liberté autorisée dans le culte, donne à Papa Kourand l'occasion de chanter et de jouer sa "Sanza"" très régulièrement dans les manifestations publiques avec des amis dans la forme de la musique urbaine, notamment le "Zebola", le "Walla", le "Maringa", "la rumba", la "Polka-Piké", etc...
C'est également à cette époque que le "sansiste" commence à faire la preuve d'un exceptionnel talent de compositeur cultivant dans le thème comme dans son travail de soliste , un goût extraordinaire pour les ambiguïtés tonales et rythmiques. Comme la plus part des choristes d'églises qui se lancent dans la musique de danse , Papa Kourand est devenu ensuite l'un des grands noms de la "Sanza".
Son histoire se confond quelque temps après avec celle d'un autre grand pionnier de la "Sanza" et vedette des éditions phonographiques "Ngoma" (1953-1958), Antoine Moundanda, véritable créateur d'un art qui puise dans les rythmes et les thèmes populaires, et avec lequel il a fait un bout de chemin ensemble. Car en effet, en 1966, Papa Kourand et Antoine Moundanda ont fait partie du groupe "Likembe géant", groupe sélectif formé à Brazzaville pour représenter le Congo en 1966, au Premier Festival Mondial des Arts Nègres de Dakar.
La renommée du "Likembe Géant "commence dès ce grand événement, lorsqu'il remporte avec l'Orchestre Bantous un très grand succès continental. Vont suivre toute une série de réussites à travers diverses manifestations en Afrique et dans le monde.
Cependant, depuis plusieurs années Papa Kourand a poursuivi avec son petit groupe , une carrière qui l'a conduit à une renommée internationale bien méritée. Sa brillante et dernière participation en Mai 2007 à la 32ème édition du Festival des Musiques Métisses d’Angoulême a témoigné de sa réputation dans le public français. Aussi son dernier album réalisé aux Editions Cyriaque Bassoka, dans le registre de la musique congolaise tradi-moderne , a dévoilé des titres pleins d'émotions et d'une grande profondeur. Il est salué comme l'une des plus belles pièces qu'ait jamais enregistrées Papa Kourand.
Papa Kourand qui était devenu une véritable "pop star" en France et en Europe était attendu avec ferveur, ces dernières années dans plusieurs festivals en France, et par son producteur Cyriaque Bassoka, mais son mauvais état de santé ne lui a pas permis de se déplacer.
Clément Ossinondé