Le spectre du 4 janvier 1959
Doit-on encore continuer à faire jouer des rencontres de football à Kinshasa ? Telle est la difficile question qui taraude les sbires de Kabila. Le spectre du 4 janvier 1959 réapparaît dans toute sa splendeur. Ce manque de confiance en l’autorité qui au sortir du stade conduit à la violence ou à l’affrontement direct contre l’ordre établi refait à nouveau surface à Kinshasa. Les psychiatres joséphites en émoi s’activent et tentent de trouver la parade. La peur s’installe. Le pire est à venir et à craindre en attendant la date fatidique du 19 décembre 2016. Le football est capable de secouer les régimes les plus totalitaires. Le stade des Martyrs est-il devenu le lieu de rencontre des déçus du joséphisme ? Entre le sport et la politique, il n’y a qu’un pas.
Le 4 octobre dernier au stade des martyrs, les Léopards rencontrent en match de préparation l’équipe du Kenya. Les Kinois friands de football sont au rendez-vous pour soutenir l’équipe nationale. Puis tout d’un coup, le stade des Martyrs s’embrase. Comme un seul homme, la foule se met à crier pour dire à Kabila de préparer ses valises car le 19 décembre approche. Quatre jours plus tard au même endroit, la même scène se répète lors du match RDC - Libye. Froissés, les responsables de la RTNC coupent l’antenne. Les téléspectateurs et les auditeurs sont laissés à leur faim. Le but de la manœuvre est d’éviter que l’ambiance survoltée et anti-Kabila ne se repende dans toute la ville où les esprits sont déjà surchauffés par les sanglants événements de septembre dernier. Quel courtisan joséphite pouvait tolérer les insultes proférées en direct voire en mondovision à l’endroit de son patron ? Pour le derby de tous les dangers prévu le 21 octobre entre le DCMP et le FC Renaissance, des mesures contraignantes sont alors prises par le ministre des sports. Pour éviter un grand public au stade et garantir son job, sieur Denis Kambayi fait monter les enchères en augmentant le prix du billet. Peine perdue car la rencontre a attirée du monde. Puis unis par le sort, les supporters de V.Club, DCMP, Dragons et Renaissance mettent leurs querelles entre-parenthèses pour scander pendant de longues minutes: « Kabila yeba, mandat na yo ezosila ». La police a dû employer la manière forte en dispersant la foule à coup de matraque. Mobutu à son époque en a vu lui aussi de toutes les couleurs au sortir de l’arène du 20 Mai au terme d’un certain V.Club - Daring. (Voir le texte de Kueno Tshingi)
Le spectre du 4 janvier 1959 fait peur. Ce jour-là, la foule venue du stade Roi Baudouin a allumé le feu de la révolte qui a conduit à l’indépendance. Le stade des Martyrs où 80.000 Kinois peuvent se rassembler, devient peu à peu la hantise des autorités politiques, sportives et urbaines. Elles sont sur le qui-vive car la colère gronde. On ne sait pas d’où viendra le danger ni celui qui allumera l’étincelle fatale qui embrasera la ville. Peut-être comme en 1959, c’est du football que partira la nouvelle flamme de la révolution populaire, celle-là même qui emportera la dictature. Peut-être par la magie du 4 janvier, c’est le sport-roi qui galvanisera les Congolais pour la dernière bataille, celle de tous les dangers certes mais aussi celle qui sera la plus décisive pour bouter dehors le régime de Kabila. Wait and see !
Samuel Malonga