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Le Rastakwasa

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Le Rastakwasa

   

LUCKY DUBE

 

Le 18 octobre dernier, la veille d’un carton jaune (pour que la politique n’aille pas d’office en vacances), le monde aurait dû commémorer neuf ans depuis la perte d’un des artistes reggae les plus prolifiques, le sud-africain Lucky Dube. Nous l’avons connu pendant la deuxième moitié des années quatre-vingt. Dans les années quatre-vingt-dix, on assistait à un concert de Lucky Dube, et il n’y avait que du reggae. D’ailleurs, une de ses chansons fétiches intitulée « Back to My Roots », par laquelle il commençait ou terminait un concert, disait que tout autre style est perte de temps : «On m’a dit qu’il y aurait de la bonne musique, mais en arrivant là, tout ce qu’ils jouaient n’était que du crackadoo et du shooby-dooby », se plaint-il. Le refrain : « Je vais rentrer à mes sources. De la musique reggae ; c’est tout ce qu’il me faut ».

 

Puis, au début de ce siècle, Lucky Dube a commencé à concevoir un mélange de reggae et de quelque chose d’autre. Il appelait ça le « rastakwasa ». Avant de chanter la première des chansons de ce style, le chanteur annonçait avec beaucoup de fierté patriotique dans la voix qu’il y avait un style que nos frères et sœurs en Jamaïque ne connaissaient pas encore. C’est le rastakwasa – un mélange purement africain de reggae music et de kwasa-kwasa music. Je crois que le mot anglais que Lucky Dube utilisait était « combination ». C’est moi qui utilise le mot « mélange » parce que ça me rappelle la différence la plus élémentaire que nous avons apprise entre un mélange physique et un composé chimique. Dans ce cas, si le rastakwasa était un composé chimique, seuls les initiés sauraient distinguer les éléments du reggae et du kwasa-kwasa. Par exemple, R&B signifie Rhythms and Blues, et seuls les gens qui ont fréquenté l’école des Beaux Arts savent mettre le doigt sur ce qui est du Blues dans ce style. Nous autres, nous n’y comprenons rien. Même quand Clément Ossinondé dit que la Rumba cubaine a des apports de la culture africaine, des éléments de la culture antillaise et du flamenco espagnol, pour nous les laïcs, c’est encore un composé chimique dont l’électrolyse aura besoin d’un catalyseur : enfin l’hydrogène dans ce tube d’essai et l’oxygène dans l’autre.

 

Dans le cas du rastakwasa, par contre, en écoutant la chanson Ding Ding Licky Licky Licky Bong, l’homme de la rue peut clairement vous dire qu’elle commence avec des accords qui ne sont pas du reggae, puis on signale le « passage » à la musique reggae, puis on rentre très nettement aux accords du début de la chanson, puis à du sebene qui est distinctement de la musique congolaise. C’est en ce moment que, pendant un concert, on voyait Lucky Dube et ses trois back-vocals s’endiabler dans le ndombolo le plus drôle et le plus austral.

 

PEDRO

 

 


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