Les Lions du Congo-Léo
Lorsque le Congo accède à l’indépendance, le lion est choisi comme l’animal-totem du pays. L’effigie du roi de la savane est présente dans les armoiries de la jeune république et frappé sur certaines pièces de monnaie. Sur le billet de 50 francs émis en 1962, on voit l’imposant félin montrer son allure royale dans toute sa splendeur. Le Onze national opte pour cette appellation afin de garder symboliquement le mythe et la magie du félidé. Quelques années auparavant, ce nom fut celui porté par la sélection de Léopoldville qui en 1957 effectua un périple mémorable en Belgique. Les Lions du Congo-Léopoldville sont les ancêtres des Léopards actuels.
Au début des années 60, le sport congolais cherche à sortir de l’ornière. Un homme dont la probité morale se confond avec son personnage, François Kalala se met à l’ouvrage pour faire reconnaître le football congolais auprès des instances internationales. Président de la fédération fondée par le père Raphaël de la Kethule de Ryhove en 1919, Papa Kalala affilie la FECOFA à la FIFA en 1962 puis à la CAF en 1963. L’équipe nationale est constituée avec les meilleurs footballeurs de Léo et d’Éville. La belle aventure peut commencer. Les Lions s’envolent pour Dakar afin de livrer une série des matchs amicaux. Le 11 avril 1963, ils marchent sur la Mauritanie sur le score sans appel de 6 buts à zéro. La première confrontation entre les deux Congo a lieu en terre sénégalaise et tourne à l’avantage des Brazzavillois (2-1). Le 17 avril toujours au Sénégal, ils battent la Tunisie par 1-0. Ces diverses rencontres permettent aux Lions d’affuter leurs armes pour les grands rendez-vous sportifs à venir.
La Coupe des Tropiques 1964 à Yaoundé, du 11 au 19 juillet 1964.
C’est la première participation du Congo à une compétition africaine. Les premiers jeux des Tropiques ont eu lieu à Bangui en 1962 et furent remportés par le Congo Brazza suite à sa victoire sur le Cameroun (3-0). Cette compétition régionale regroupe tous les pays d’Afrique centrale. Ils sont six pour cette deuxième édition et sont repartis en deux groupes. Le Congo Léo entre en jeu le 13 juillet contre le Cameroun. La rencontre se solde par un nul (1–1). Deux jours plus tard, les Lions battent la RCA. En demi-finale, les fauves sont plus forts que les Gabonais. Le 19 juillet, en finale, ils sont battus par le Cameroun par deux buts à un. Pierre Kalala inscrit l’unique but congolais de la partie. Le colosse d’Élisabethville a fait trembler la capitale camerounaise par la puissance de ses tirs meurtriers. Auteur de plusieurs buts d’anthologie, les Congolais lui donnent le surnom de Yaoundé en souvenir de ses exploits. Un mythe est né.
Le tournoi de Léopoldville, du 1er au 7 avril 1965
Pour participer aux Jeux africains de Brazzaville, des matchs de qualification sont organisés dans tout le continent. Les pays sont groupés selon leur position géographique en sept zones différentes et seul le vainqueur du groupe est qualifié. Le tournoi de la zone 5 qui regroupe les pays de l’Afrique centrale est organisé à Léopoldville. Le Gabon ayant désisté, trois équipes (Cameroun, RCA et Tchad) font le voyage de Kinshasa. Elles s’affrontent en double confrontation dans des matchs aller et retour. Jouant à domicile, les Lions profitent de l’appui du public et s’imposent durant tout le tournoi. Le onze national congolais est sorti premier donc meilleur équipe de l’Afrique centrale. Les Lions ne perdent aucun match sur les six joués. Ils battent tous leurs concurrents en aller comme au retour. Ils prennent même leur revanche sur le Cameroun (3-2 à l’aller, 3-1 au retour). Le dernier match contre la République Centrafricaine est une véritable promenade de santé. Ils l’emportent haut la main par huit buts à deux. Les Lions font un parcours sans faute avec six rencontres gagnées et un maximum de 12 points. Leur billet en poche, tous les espoirs sont permis pour le tournoi final à Brazzaville.
Les premiers Jeux Africains de Brazzaville : du 18 au 25 juillet 1965
Ces jeux sont les premiers organisés en Afrique indépendante avec plusieurs disciplines sportives. Le rendez-vous du football regroupe les sept pays vainqueurs des poules et Congo Sport, le onze national du Congo Brazzaville. Les équipes sont reparties en deux poules. Les Lions se trouvent dans le groupe 2 avec la Côte d’Ivoire, l’Algérie et Madagascar. Après avoir battus sèchement les Malgaches par 7 buts à zéro, les fauves perdent devant l’Algérie (4–1). La dernière rencontre contre les Ivoiriens se termine par un nul (1-1). Avec trois points, les Congolais doivent participer aux play-offs pour tenter de gagner la cinquième place des Jeux. Dans les matchs de barrage, ils écrasent successivement le Togo (5-1) puis l’Ouganda (6-2). Les cinq rencontres livrées à Brazzaville révèlent la grande classe de Luc Mawa. L’avant-centre de V. Club a fait trembler à plusieurs reprises les filets adverses de superbe manière. Les férus du ballon rond le récompensent en le surnommant L’Homme de Brazza.
Les matchs de qualification pour la CAN
L’année 1965 est aussi celle de la Coupe d´Afrique des Nations. La cinquième édition est organisée par la Tunisie. Les matchs de qualification se jouent entre le 17 janvier et le 21 septembre 1965. Le Congo se retrouve dans le groupe 3 avec la Côte d’Ivoire et le Libéria. Les Lions perdent les deux déplacements à Abidjan et Monrovia mais se ressaisissent lors des duels à domicile en battant les Ivoiriens par 4 buts à 2 et les Libériens par 3 buts à 2. Les deux victoires à Léopoldville ne suffisent pas pour assurer la qualification et les fauves sont éliminés. Mais grâce aux circonstances politiques, le Congo-Léo est repêché après le désistement du Soudan. En effet, pour remplacer l’Égypte qui a refusé d’aller en Tunisie suite aux problèmes diplomatiques entre les deux États, la CAF programme un tournoi tripartite entre les trois meilleurs deuxièmes issus des qualifications mais le Soudan décline l’invitation. Un match de barrage opposant la Guinée-Conakry au Congo Léo est alors prévu à Accra le 31 octobre 1965. La Guinée ayant refusé, le Congo se trouve qualifié par défaut. Les Lions vont participer à leur première CAN.
La Coupe d’Afrique des Nations en Tunisie, du 12 au 21 novembre 1965
La cinquième édition de la CAN regroupe six pays repartis en deux poules. Le Congo se retrouve dans le groupe B avec le Ghana (tenant du titre) et la Côte d’Ivoire, autre nouveau venu dans la compétition continentale. Les deux rencontres se terminent par des défaites. A Sousse, le 12 novembre en match inaugural, les Lions sont battus 5-2 par les Black Star. Pourtant menés au score (2-0), les Congolais parviennent à rétablir l’équilibre grâce à deux penalties convertis par Pierre Kalala avant de s’effondrer. Deux jours plus tard à Sfax, le Congo Léo courbe à nouveau l’échine devant les Ivoiriens (3-0). Inexpérimentés, les fauves sont éliminés dès le premier tour de la compétition. Ils sont bons derniers au classement de leur groupe avec deux défaites, zéro point, deux buts marqués contre huit encaissés. Les Lions rentrent la queue entre les pattes. Le pays a connu pendant leur absence un grand bouleversement politique. A leur départ pour la Tunisie, c’est Joseph Kasa-Vubu qui était le chef de l’État. A leur retour, ils trouvent le général Mobutu confortablement installé au Mont Stanley.
Les pionniers de la CAN
L’entraîneur Trouet Mokuna a pour la campagne tunisienne sélectionné les joueurs suivants : Makiadi Castello (Daring), Paul Ngoie (Don Bosco), Pierre Katumba (Englebert), Antoine Lessa (Dragons), Mabela Routier (Léo Sports), Ernest Mokili Saïo (Dragons), Paul Mbuli (Himalaya), Joseph Kibonge Gento (V. Club), Augustin Diantela (V. Club), Luc Mawa (V. Club), Pierre Kalala (Englebert), Kabeya Sotcho (Englebert), Albert Mwila (Dragons), Kabala etc. Sur cette liste, il faut aussi ajouter le nom de l´arbitre Philippe Fula qui a eu l’insigne honneur d´officier le 12 novembre 1965 à Tunis, le match Tunisie-Éthiopie, largement remporté par le pays hôte par 4-0 au stade Chedly Zouinten.
Mabela, capitaine inamovible
L’international Mabela Routier de Léo Sports surnommé aussi Patron est resté longtemps le capitaine inamovible des Lions. Il a joué ce rôle pendant des années avec brio. Il doit cette longévité à son exemple et au rôle déterminant qu’il n´a cessé de jouer au sein de l’équipe nationale. Cet arrière central atypique, véritable maître de la défense congolaise, n’a jamais voulu céder aux sollicitations des grandes équipes kinoises. Le capitaine exemplaire a terminé sa carrière dans son équipe de toujours, le Léo Sports de Kintambo.
Des Lions aux Léopards
L’épopée des Lions a commencé au Sénégal le 11 avril 1963 par une écrasante victoire sur la Mauritanie. Elle se termine dans la douleur au stade Tata Raphaël par une cuisante défaite (3-0) contre le Ghana le 30 juin 1966. A partir de cette date, les Lions ont cessé de rugir. Le général Mobutu par un tour de passe-passe magique les transforma en Léopards afin qu’ils écrivent les nouvelles pages de l’histoire du football congolais.
Samuel Malonga