La Conférence nationale du MPLA à Léopoldville
En 1990, l´Afrique est en ébullition. Le vent de la démocratie secoue le continent et l’oblige à suivre la marche du monde. Déjà, de grands changements se sont opérés dans le bloc soviétique avec la perestroïka de Gorbatchev. François Mitterrand surprend ses hôtes africains. Il annonce à la 16e conférence des chefs d´État d´Afrique et de France à La Baule, le conditionnement de l´aide française à la démocratisation et à la bonne gouvernance. Les despotes les plus cruels acceptent de se muer en pseudo-démocrates pour à la fois ne pas accompagner la fin de la guerre froide qui les a si longtemps gardés au pouvoir et pour ne pas précipiter leur propre fin. Les bouleversements en Europe de l’Est les forcent à s’ouvrir et à tendre l’oreille à ce peuple qu’ils ont tenu des décennies durant en laisse.
La volonté populaire au changement dicte l’avènement d’une concertation d’un genre nouveau baptisée Conférence nationale. Le Bénin, donne le ton. Au chevet de cette nation sont conviées toutes les forces vives pour parler sans tabou de tous les maux dont elle souffre. Comme un effet domino, le concept gagne l’Afrique francophone (Bénin, Gabon, Congo, Mali, Togo, Niger, Zaïre, RCA, Cameroun, Burkina Faso, Mauritanie, Tchad et Madagascar). Le débat national devenu dès lors la panacée aux problèmes et aux maux qui rongent l’Afrique, plusieurs régimes totalitaires et leurs peuples arrivent à se parler droit dans les yeux, à laver les linges sales en famille, à se pardonner, à trouver non sans difficultés des idées nouvelles pour l’avenir.
A l’époque, beaucoup pensent et croient que ce concept est nouveau et qu’il est une invention béninoise. En réalité, cette notion est antérieure à 1990, année du début de la Conférence nationale du Bénin. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le premier débat qui a mobilisé les couches populaires en Afrique n’a pas été organisé par un État indépendant mais plutôt par un mouvement de libération en exil : le MPLA. Ce parti a eu l’insigne honneur de tenir sa Conférence nationale en 1962 à Kinshasa alors Léopoldville. Le Congo a offert le cadre, les moyens, la possibilité et toutes les facilités pour l’organisation de ce débat interne au parti marxiste angolais. Le sommet qui s’est passé dans des conditions particulières marquées par l’exil n’a pas mobilisé l’Angola encore colonie portugaise. Mais ce groupe restreint a été représentatif de la diaspora angolaise et manifestait une certaine volonté prononcée au changement.
Né à Léopoldville en 1956, le MPLA veut se restructurer. Le Dr Agosthino Neto, président d’honneur, parvient à s’évader de sa prison au Portugal et rejoint la capitale congolaise où le mouvement a sa base. Son but est de reprendre la direction du parti. La Conférence nationale rassemble autour de sa personne des délégations venues des communes de Kinshasa, de Muanda, Matadi, Lukala, Boma, Songololo, Kikwit, Tshikapa, Pointe-Noire voire de l’intérieur de l’Angola encore sous domination portugaise. Du 1er au 3 décembre 1962, 70 délégués représentant les Comités d’Action, l’Armée Populaire de Libération de l’Angola, les travailleurs, l’Organisation des Femmes, la Jeunesse et le Corps Volontaire d’Aide aux Réfugiés débattent en commissions les trois projets élaborés par le comité préparatoire. Les débats ont lieu au siège du parti sur sise avenue Tombeur de Tabora n° 51 à Kalina. A l’issue de la Conférence nationale, un document reprenant toutes les résolutions et décisions prises est publié. Le 5 décembre le comité directeur rend public un communiqué relatif aux travaux de ces assises.
La conférence nationale du MPLA a vu le retour de Neto aux affaires. Règlement des comptes ou restructuration du directoire du parti ? Le secrétaire général Viriato da Cruz est limogé. Le métis est considéré comme trop blanc, jugé trop marxiste et réputé trop prochinois. En réalité, il constitue une menace pour le leadership de Neto qui a repris le contrôle du parti. Le révérend Père Joaquim Pinto de Andrade, détenu au Portugal au Fort de Caxias, est élu président d’honneur du MPLA par acclamation.
Parmi les 70 délégués qui ont participé aux travaux de ce colloque, il y a un jeune homme de vingt ans nommé Edouardo Santos. Son nom apparaît à la fois dans la liste des membres du comité préparatoire de la Conférence et dans celle du comité directeur dans la composition des délégations. Il s’appelle Edouardo Santos. Dix-sept années plus tard, il va devenir le président inamovible de l’Angola indépendant sous le nom de José Edouardo dos Santos.
Samuel Malonga
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