L’Abako demande l’indépendance
Les années 1950 doivent être considérées comme celles de l’éveil et de la prise de conscience des Congolais. Cette période est maquée par la naissance de plusieurs associations tribales qui se mueront en partis politiques. L’année charnière est bien entendu 1956 qui voit l’Abako devenir le premier parti politique du Congo belge.
Cette année est aussi celle de la publication de deux documents de très grande importance ayant trait à l’avenir du Congo. D’abord celui des intellectuels catholiques. Réunis autour de leur inspirateur l’abbé Malula, Joseph Ileo, Victor Ndjoli et Joseph Ngalula publient le Manifeste de la Conscience Africaine pour répondre au Plan de trente ans du professeur Van Bielsen.
Ensuite celui de l’Abako. Dans cet ordre d’idée et pour se placer dans le vif de la situation politique qui se dessine, l’anticolonialiste Kasa-Vubu et les indépendantistes de "Luwawanu lua Bakongo" section Léopoldville, prennent position dans le Manifeste de l’Abako. La question de l’émancipation de la colonie est posée en des termes clairs. L’Abako veut l’indépendance totale du territoire, car le peuple congolais est résolument décidé à présider lui-même à sa destinée.
Samuel Malonga
LE DOCUMENT DE L’ABAKO EN PLUS CLAIR
L’ABAKO DEMANDE L’INDÉPENDANCE. Au moment où la Belgique, fidèle à ses engagements internationaux vis-à-vis du peuple congolais, est décidée à appliquer, au Congo, la déclaration universelle des droits de l’homme, telle que définie par la Charte des Nations-Unies, spécialement en son article 73.- Étant donné que la Belgique ne renie pas sa signature à la Charte de San Francisco, mais qu’au contraire , elle se prépare à préciser sa pensée en ce qui concerne l’avenir du Congo, atteste que la Belgique compte parmi les peuples libres qui ont proclamé leur indéfectible attachement aux principes de la Souveraineté nationale et de la détermination des peuples, l’ABAKO, fidèle également à sa mission de servir les intérêts du Congo et de la Belgique, confirme au Gouvernement Belge, d’une manière définitive et précise la position qu’elle a adoptée et qu’elle a toujours exprimée en ce qui concerne l’avenir du Congo. Pour elle, l’Indépendance totale du Territoire congolais est la seule solution pacifique et capable d’harmoniser et de stabiliser les relations qui pourraient exister entre le Congo et la Belgique. Elle est, en outre, persuadée que toute autre solution donnée pour résoudre ce problème ne fera que perpétuer l’état d’inquiétude permanente qui affecte, depuis de longues années, ce pays, inquiétude provoquée par une politique coloniale dépassée et qui compromet gravement les intérêts de la Belgique.- Le peuple congolais est, en effet, résolument décidé à présider lui-même à ses destinées. C’est dans cette atmosphère de liberté qu’il pourra, de l’égal à égal, ouvrir un dialogue valable avec la Belgique par ses leaders. Il conteste énergiquement la validité du bureau de travail arbitrairement constitué à Bruxelles. Il proteste vivement contre toute méthode de substitution et de consultation antidémocratique qui consiste à exploiter l’ignorance et la naïveté de certains chefs autochtones en leur faisant, malgré eux, signer des documents dont ils ne saisissent pas la teneur et de les présenter au public international comme des plénipotentiaires authentiques. Des telles manœuvres n’honorent pas la Belgique. Et par voie de conséquence, l’ABAKO veut et demande la reconnaissance et la proclamation de l’indépendance du Congo. |